mardi 13 décembre 2011

Un projet transmedia avant le transmedia


Ou comment différentes alliances auraient pu créer un univers fictionnel prémonitoire.

Première Partie

Avant l’heure
L’action se situe au début de l’année 1997 à Paris. A cours de cet hiver nous avions sans le savoir anticipé sur la folie financière et la crise économique et nous aurions pu en être des acteurs…

A cette époque j’avais monté avec deux associés une SSII (Société de services en ingénierie informatique). Nous étions encore jeunes (environ 26, 27 ans) et inexpérimenté dans le monde entrepreneurial. Quant à mes connaissances informatiques elles étaient celles d’un amateur et c’était très bien ainsi tant mes compagnons étaient de vrai pro de la programmation et de l’ingénierie. Nous développions alors un progiciel pour une grande enseigne de distribution. J’étais chargé à la fois d’apporter une veille et une recherche documentaire sur le développement de progiciel mais aussi  de réfléchir et d’imaginer d’autres activités comme la scénarisation de jeux vidéo dont nous étions friands.

En dehors de cette activité je m’exerçais à l’écriture depuis pas mal de temps et je venais de terminer la co-écriture de mon premier long métrage avec un ami. Comme nous avions besoin d’avis avant d’envoyer notre travail à un producteur, j’ai naturellement confié le script à l’un de mes associés que je nommerais ici par la lettre « F ».

Je ne vais pas ici vous résumer l’histoire du film mais pour la compréhension de ce qui suit il est intéressant dans connaître le postulat de départ.
C’est un thriller politique d’anticipation. L’action se déroule entre les deux tours des élections présidentielles de 2002. Le prologue se passe juste avant le débat entre les deux finalistes de l’élection, le président sortant un homme issue d’une coalition de centre droite/gauche et le candidat de l’extrême droite. On suit en caméra subjective un homme qui tente de pénétrer dans les locaux de radio France où a lieu le débat afin de l’interrompre pour raison d’état. Puis s’en suit un flash back qui met en scène le héros de la fiction (un avocat d’affaire) et qui va dérouler toute l’histoire avec des retours au présent et au débat comme fil rouge jusqu’au climax et la résolution finale.

Voilà pour le pitch. Je fais donc lire ce projet à mon associé qui quelques jours plus tard, un soir me fait part de son enthousiasme, sauf pour la fin, certes réaliste, mais qu’il estime devoir être plus optimiste pour le héros qui ne méritait pas à ses yeux (et aussi à mon avis) vraiment pas le sort qu’on lui avait réservé (la mort ainsi que celle de sa famille). La discussion nous entraîne alors vers d’autres horizons avec en toile de fond l’anticipation. Après quelques verres d’un excellent Bordeaux « F » me dit que nous devrions penser à la création d’un jeu d’anticipation qui impliquerait la participation de joueurs qui ne se connaissent pas et qui ne font pas nécessairement parti de la même zone géographiques. L’idée était excitante, je rajoutais que les joueurs feraient par leurs actions évoluer le jeu jusqu’à en modifier les règles. Nous nous quittâmes sur cette vague idée. Il faut vous préciser que dans les années 80 nous avions participé à plusieurs jeux de rôle en intérieur comme en grandeur nature et que nous avions scénarisé plusieurs parties, imaginé des nouvelles règles et extensions à ce qui existaient et même inventé un jeu de toutes pièces.

Mosaïc et Netscape Navigator de nouvelles perspectives.
Logo navigateur Mosaic
Peu de temps après, à la fin d’une journée rébarbative remplie de langage C++, de serveur Apache et autres complications, mon associé me parle de développer un site web pour notre petite SSII. Les sites n’étaient pas légions en ce temps là (la notion du temps ces deux dernières décennies s’est particulièrement modifiéeJ) et si nous parvenions à en développer un nous pourrions peut être proposer ce services à des prospects. Ni une ni deux il part à la FNAC acheté un bouquin en anglais sur le développement HTML 1.0.Le lendemain je le retrouve complètement épuisé dormant sur un fauteuil, le cendrier plein de mégots de cigarettes et de joints, une carafe de café vide posé en équilibre précaire sur le bureau, une odeur faisant penser que nous hébergions un animal mort. J’ouvre les volets et aère la pièce ce qui a pour effet de réveiller « F » d’une main lasse il me fait un signe en guise de salut et avec son œil torve me désigne son PC. Avant même que je puisse m’énerver sur son état il me dit  d’une voix rauque « ouvre une session et lance un navigateur ». Puis il me dicte l’adresse numérique de notre serveur.


Apparaît alors dans le navigateur le site internet animé de notre société. Ce type avait en une nuit compris l’HTML et « pondu » un site avec des gifs animés. Pour beaucoup d’entre vous cela peut paraître pas grand-chose mais début 1997 c’était vraiment pas mal. J’en oubliai aussitôt mon ressentiment et m’enthousiasma du résultat.

C’est alors qu’une idée a germé dans nos esprits enjoués.

Faites vos jeux
Quelques années auparavant nous faisions parti de communauté en ligne via le minitel où nous échangions et écrivions sur Bistro ou jouions sur des sites tels qu’Akela (oui le Minitel n’était pas qu’un repère de rencontres pornos tarifées). Désormais le WEB via Internet offrait des possibilités bien plus importantes.
« Et si nous nous partagions différents supports créatifs pour créer un univers fictif qui parlerait du monde réel dans son paroxysme ? » voilà en substance notre point de départ. Nous avions la folle ambition d’écrire d’un côté un faux livre témoignage, puis d’un autre une vraie fiction sous forme de scénario pour le cinéma et enfin programmer un jeu en ligne qui serait le support narratif de nos histoires et pour cela il nous fallait un thème. Après une longue discussion « F » proposa La Bourse, sujet planétaire et monde parallèle fait de données à la fois factuelles (bilan, matières premières, stratégie de développement, etc.) et aléatoires (psychologie, rumeurs, délits, évènements politiques, catastrophes naturelles, etc.) en connexion direct avec le réel. Commençait alors dans nos locaux exigües de la rive gauche parisienne la mise en place de l’architecture de notre ludique projet, mais divers obstacles vinrent rapidement s’opposer à notre désir… La suite au prochain épisode.

Merci et restez curieux.

Matthieu Bernard


PS : nous aurions pu aussi y incorporer l’écriture d’un documentaire, mais par définition les évènements n’étaient pas encore arrivés pour en faire un doc tel que celui-ci :-) :